Ecrire avant la nuit
Tel est le titre d’un ouvrage de Anne-Marie Merle-Béral et Rémy Puyuelo.
« Quand la personne âgée écrit sur son enfance. » Je me suis penchée sur ce livre, mesurant combien l’enfant perdure dans l’adulte, notamment les événements marquants d’une vie : des blessures de privation, des deuils non faits d’un parent inconnu et disparu durant la guerre, un attachement fort à un animal, une mise en danger, des peurs non dites et enfouies …elles resurgissent lorsque le temps est compté, …
Comme l’écrivent les auteurs : « souvent les moments traumatiques de l’enfance se révèlent indélébiles, occultant le reste. Chercher à les élaborer peut conduire à une réconciliation avec soi-même et ses parents. Quête de soi, in fine, qui permet de comprendre après-coup le sens d’un destin, sa cohérence, sa continuité, son sens. »
La petite fille qui transportait dans ses chaussettes les lettres de son père prisonnier en Allemagne et traversait la ligne de démarcation sous les fusils a sans doute gardé en mémoire l’effroi qui l’habitait.
Elle ne reconnait pas son père sur la photo que lui montre sa mère, puisqu’en fait, elle ne l’a jamais connu. Il est décédé et elle est devenue pupille de la nation.
Le grand-père, jusqu’à la fin de sa vie, n’aura jamais compris pourquoi la femme qu’il aimait, l’a laissé seul un jour à Paris. Il ne se sera jamais remis de cet abandon.
La grand-mère parlera toujours de sa grand-mère qui lui a donné tout l’amour que ne lui donnait pas sa mère.
Les privations, la pauvreté de ses parents resteront à jamais dans la mémoire de cet homme qui, sa vie durant, ne pourra vivre sans compter.
L’écriture permet de reconstruire le scénario d’une vie, se pencher un instant sur son destin, mesurer les efforts et le chemin parcouru.
« Sa quête tient compte des souvenirs-écrans, des trous, de la perte de la chronologie, tous obstacles à une « vérité » de son histoire, et peut aboutir à un « roman personnel » qui contient en lui-même l’essentiel de sa vie. »
Permettons à nos personnes âgées de se raconter, de retisser le fil conducteur de leur vie.
Ecrire, c’est être cru, c’est être entendu, c’est se relier aux humains, c’est toucher l’universel, c’est révéler sa vie et se révéler à soi, c’est s’inscrire dans un destin et transmettre à ses descendants.
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